On peut facilement imaginer les quantités impressionnantes de déchets que génèrent les quelque 8 000 ateliers de mécanique de la province, nos garages d’entretien et de réparation de véhicules. La liste est longue : des produits chimiques, des huiles usées, des eaux souillées, des pièces de métal, de verre et de plastique, des contenants de toutes sortes, des ampoules, des piles, des batteries, même des tissus. Et pourtant, tout cela est récupérable.
Certains garagistes le font et le font très bien. Il existe même une certification pour celles et ceux qui adoptent des pratiques écoresponsables, la Clé verte. Cette certification a été mise en place par Nature-Action Québec il y a maintenant 15 ans, mais c’est encore peu connu.
Le niveau platine : le sommet!
À ce jour, plus ou moins 10 % des ateliers de mécanique du Québec détiennent l’un des quatre niveaux de la Clé verte : le bronze, l’argent, l’or et le platine. Mieux qu’aux Olympiques, vous aurez compris que le niveau platine est au-dessus du podium. Celui qui se le mérite est un élève modèle toutes catégories. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, un seul garage affiche une Clé verte platine, l’atelier Box 1873 situé dans le parc industriel de Jonquière.
Son propriétaire Martin St-Gelais nous dit que l’on obtient cette certification,
« en se levant de bonne heure, en lisant et en relisant tous les points exigés par Nature-Action Québec et en cherchant une solution pour chacun de ces points. »
Au niveau platine, on réduit, on récupère, on recycle et bien davantage. Ça lui a prix 8 ans pour y arriver.
La démarche d’un cartésien
Tout cela a commencé en 2008, quand Martin St-Gelais a acheté son premier atelier de mécanique. Ce garage, recommandé CAA, était déjà Clé verte, tel que l’exige ce club automobile. Le garagiste découvre ainsi l’existence de cette certification qui l’intéresse d’emblée.
« Je suis un cartésien, précise-t-il, ce n’était pas du tout une décision émotive, au contraire dès le départ, je me suis dit que c’était un moyen d’économiser de l’énergie humaine, de sauver du temps et d’offrir un milieu de travail sécuritaire et sain pour mon personnel ».
En partant avec une Clé verte niveau bronze, les bases de cette démarche écoresponsable étaient jetées, il ne lui restait plus qu’à « conserver mes acquis, dit-il, et à m’améliorer ».
On comprendra que la base de la Clé verte est la récupération de tous les déchets et l’acheminement des solides comme des liquides vers des centres de traitement ou de transformation. Pour y arriver, le plus gros du travail est l’aménagement de l’atelier lui-même.
« Mon nouveau garage est conçu comme une ligne de production en usine. On entre par un bout, on fait le diagnostic, on répare, on lave et on sort à l’autre bout, explique le propriétaire. »
Ce plan permet de régler bien des problèmes. Tout d’abord chaque espace de l’atelier est dédié à une fonction spécifique. On peut disposer les poubelles et les bacs de recyclage à proximité des lieux de travail de réparation et rendre le tri plus facile et installer un drain central relié à un séparateur pour les huiles usées. Chez Box 1873, chaque mécanicien a un poste de travail ergonomique avec tous les outils nécessaires à portée de main. Ce sont des ilots indépendants les uns des autres, installés de chaque côté du drain central.
Un choix important : l’achat en vrac
Tout au long de sa démarche, Martin St-Gelais cherchait à réduire ses déchets. L’un de ces déchets ce sont tous ces contenants d’huile et d’antigel.
« Ici, il n’y en a plus, sauf pour certaines huiles bien spécifiques, sinon on a de très gros contenants et on achète tout en vrac même le lave-glace. C’est plus écoresponsable, c’est moins de manipulation et ça coûte moins cher », se réjouit Martin St-Gelais.
Ici comme dans toutes les entreprises qui mettent sur pied un plan stratégique en DD, la collaboration du personnel est essentielle pour que ça marche.
« Mes employés ont embarqué facilement dans cela. Tout le travail qui a été fait ici ça contribué à créer un milieu de travail gratifiant et sécuritaire, nous dit le propriétaire. »
Certains se sont même impliqués dans un projet à caractère communautaire, la formation de stagiaires. En fait, ce sont des décrocheurs référés par un centre de jeunes en difficultés. « Ça aussi c’est du développement durable! », nous dit fièrement Martin St-Gelais.
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Rien n’est laissé au hasard
Pour obtenir sa certification platine, tout ça compte et bien d’autres gestes encore que Martin St-Gelais a posés comme de s’outiller de robots qui identifient chaque véhicule à son entrée au garage et diagnostiquent l’usure des pneus. Il fait nettoyer les vêtements de travail de ses employés chez un sous-traitant certifié écoresponsable, il fournit de vraies tasses à café à ses clients, il communique avec eux par internet avec des photos pour qu’ils prennent une décision éclairée sur les travaux à faire sur leur véhicule. Pour dynamiser sa démarche, il s’est également joint à la 5e cohorte de formation et de coaching de PME durable 02 du CQDD, en plus de collaborer à des initiatives d’économie circulaire.
On le voit, le mécanicien fait tout ce qu’il peut pour améliorer ce milieu de travail, et bien sûr pour protéger planète et pour redonner à sa communauté. C’est dans sa nature. D’ailleurs l’homme est impliqué ailleurs : au club Richelieu de Kénogami ainsi qu’à la Zone durable Jonquière où il siège depuis 2017, un projet majeur pour repenser les façons de faire au sein de ce parc industriel pour l’orienter vers un modèle d’écoparc industriel.
Pourquoi tout cela? Il répond, « comme entrepreneur, ça me fait du bien », puis il fait une pause et se reprend, « Non, comme personne ça me fait du bien, à moi. »
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Par Errol Duchaine