Jessica Côté, la fondatrice de KWE cocktails a une partenaire de choix pour sa jeune entreprise, la forêt boréale elle-même.   C’est dans cette réserve, d’une richesse exceptionnelle, qu’elle puise tout ce dont elle a besoin pour produire ses sirops et ses breuvages prêts-à-boire.  Elle pourrait aller y puiser sans compter, mais d’emblée elle a choisi de le faire avec retenue, en respectant ce jardin naturel comme si c’était son propre garde-manger.

Le respect de la forêt :  une règle de conduite

« Je suis d’origine Innu, très jeune j’allais en forêt cueillir avec mes parents et je me suis imprégnée de cette culture de respect pour la forêt et les petits fruits », raconte-t-elle. 

Alors, dès 2017, quand Jessica Côté a décidé de se lancer dans la commercialisation des saveurs boréales, elle met à profit ses valeurs qui guident les pratiques de cueillette, de production, les méthodes d’emballage, les moyens de transport et la gestion des déchets, en privilégiant une approche à la fois écoresponsable et durable.

Parlons d’abord de la cueillette puisque tout part de là.  Une cueillette responsable, se sont plusieurs considérations.  Jessica Côté explique :

« Je travaille uniquement avec des cueilleurs formés qui savent où et comment récolter pour garantir la pérennité des plantes.  C’est primordial!  Il faut aussi en laisser pour les animaux, ne jamais cueillir des espèces menacées et respecter un calendrier très strict. » 

Elle donne en exemple la récolte du thé du labrador, une plante de sous-bois qui se cueille seulement pendant une période de deux semaines afin de respecter sa croissance naturelle et garantir la qualité des arômes du produit.

Harmoniser la création avec le développement durable

Le défi de la production, c’est de conserver le goût original, mieux encore de le faire exploser sans aucun arôme artificiel ni agent de conservation.  100% naturel, c’est une règle dont la productrice ne déroge jamais.  « Ça aussi, c’est du développement durable », soutient-elle.  Même quand elle veut donner des saveurs particulières à ses sirops, Jessica Côté cherche à créer ce qu’elle appelle des « palais aromatiques ».  En clair, tenter de se rapprocher de la vanille, de la cannelle, ou de l’anis par exemple, mais avec ce qu’elle trouve dans notre patrimoine forestier.  Ne lui reste plus qu’à en extraire ses arômes.  C’est tout l’art de marier le naturel et le créatif. 

Et puisque tout est affaire d’extraction, on imagine facilement que les résidus sont importants en fin de parcours.  Alors, on doit donner une 2e vie à ces beaux restes. 

« On s’est donné comme objectif de réduire d’un déchet par année.   On peut les acheminer vers des entreprises locales en agroalimentaire.  C’est ce que l’on fait actuellement avec les écorces de citron qui servent à fabriquer du limoncello dans la région. Je mise beaucoup sur l’économie circulaire. » 

D’autres essais sont en cours avec la pulpe de bleuets et d’autres résidus.  Cette pulpe de bleuets vient de la bleuetière familiale dont Jessica Côté est également partenaire.  Soulignons que les parents de la jeune entrepreneure ont pris un virage bio il y a plus de 20 ans.  On peut dire que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre. 

Tout ce travail en parfait accord avec des principes de développement durable ça ne s’improvise pas, ça se réfléchit et ça se planifie.  C’est ce qui s’est passé chez Kwe Cocktails, en 2020 l’entreprise a retenu les services du CQDD pour élaborer une véritable stratégie en développement durable. 

« On voulait être sûr qu’on n’oubliait rien, nous explique Jessica Côté, autant pour l’approvisionnement, les achats et même la gouvernance.  Ce qui est intéressant c’est que l’analyse de nos forces et de nos faiblesses nous a fait prendre conscience que l’on faisait déjà beaucoup de choses, qu’on ne partait pas de zéro. » 

C’est très souvent ce que l’on découvre avec l’autodiagnostic de l’entreprise.  On se rend compte que plusieurs pratiques durables sont déjà intégrées dans la culture de Kwe. L’entrepreneure admet que même si tout n’a pas été mis en place dès la première année, l’élaboration de cette stratégie est un outil d’aide à la décision qui oriente les actions de durabilité de son entreprise. « On n’a pas fini d’évoluer, mais on sait où on s’en va », dit-elle.

Des choix pour réduire son empreinte écologique 

Kwe cocktails compte aujourd’hui plus de 200 points de vente.  C’est beaucoup de transport.  Jessica Côté en est consciente et c’est pourquoi elle a choisi la voie du transport mutualisé avec plusieurs microbrasseries, et cela autant pour couvrir le territoire régional que pour le reste de la province.   Tous leurs contenants sont en verre, pour une question de salubrité alimentaire, de conservation et d’écoresponsabilité.  Pour trouver les contenants parfaits, là encore Jessica Côté s’est fait accompagner. 

« Nous avons consulté une organisation spécialisée en écoconception, nous dit-elle.  Finalement, on n’a pas pu faire produire le contenant qu’on souhaitait au départ, c’était trop compliqué, mais on l’a beaucoup amélioré.  Je suis contente on a réussi à réduire le poids de nos contenants et aussi à en mettre davantage dans une même boîte. »  

Et bien sûr, tout cela est récupérable et réutilisable.

L’entreprise de Jessica côté s’inscrit parfaitement dans cette grande filière de la production d’alcools locaux.  Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps, des quantités importantes d’alcools, de sirops et autres boissons non alcoolisées provenaient de l’étranger.  Aujourd’hui, ici dans la région comme ailleurs dans la province, nous pouvons profiter de produits locaux qui valorisent et exploitent durablement des matières premières cueillies dans nos jardins cultivés ou naturels. 

Jessica Côté est bien décidée à poursuivre et à améliorer ses actions en développement durable.  Elle se dit inspirée par des PME, mais également par de grandes entreprises qui amorcent, elles aussi, des changements importants en ce sens, comme Rio Tinto mentionne-t-elle. 

« Je pose de petits gestes, mais chaque geste compte.  En fait, on doit tous essayer de faire le maximum avec le minimum de ressources. Mais ce qui est important, ce n’est pas juste de le dire, c’est de le faire ».  

***

Par Errol Duchaine