Si je voulais vous parler uniquement des bières de la brasserie le Saint-Fût, je vous dirais que leurs savants mélanges aux saveurs de fleurs sauvages, de miel, d’épices boréales, de petits fruits ou de sirop d’érable leur donne un caractère unique. De très bonnes bières. Mais le Saint-Fût, c’est plus que de la bière. C’est entre autres un excellent sujet en matière de développement durable (DD).
« Quand, en 2018, on a créé cette coopérative de travail, raconte la directrice du Saint-Fût Mélissa Gauvreau, on voulait créer des emplois en milieu rural. On voulait vivre là, à Saint-Fulgence, et s’implanter dans le milieu. »
S’implanter, créer une entreprise, faire des affaires, mais pas n’importe comment. Pour les 6 coopérant·e·s, leur brasserie se devait d’exister selon les principes du DD.
« C’est dans notre ADN, souligne Mélissa Gauvreau. Pour nous ce n’est pas possible de concevoir une autre façon de faire du développement économique. On se doit de minimiser notre empreinte écologique tout en contribuant positivement au bien-être de l’équipe de travail et de la communauté. »
Un réseau de fournisseurs
Quand vient le temps de mettre en pratique ces principes, pour toute entreprise en transformation alimentaire, le plus grand défi c’est l’approvisionnement. Même chose pour le Saint-Fût. Avec le temps, la coopérative a réussi à créer un réseau de fournisseurs locaux, régionaux ou à tout le moins québécois. La règle : aucune importation et les circuits les plus courts possibles. C’est aussi cela s’implanter dans une communauté, donner de la valeur aux produits d’agriculteurs et de cueilleurs du milieu et faire rayonner un coin de pays. Alors, le houblon est d’ici, les malteries sont d’ici et les végétaux sont d’ici, cueillis à la main par des cueilleur·se·s d’ici qui se font un devoir de respecter l’environnement de ces ressources.
Avec le temps, l’équipe du Saint-Fût s’est appliquée à réfléchir à chaque étape de la production pour réduire au minimum la quantité d’eau utilisée, optimiser les méthodes de nettoyage, réduire les rejets, s’approvisionner en vrac pour éliminer le plus possible les emballages, et faire circuler ce dont ils n’ont plus besoin. Le drèche par exemple, ce résidu céréalier, est donnée à des agriculteurs pour nourrir les porcs ou engraisser leur terre. Toutes les canettes vides sont données à la Maison des jeunes de Saint-Fulgence qui en tire un bon revenu.
Un bilan avec l’Activateur
Il y a un peu plus d’un an, la coopérative a fait un sérieux bilan de toutes ses actions en DD au moyen de l’Activateur, cet outil numérique créé par le Centre québécois de développement durable.
« Ça nous a permis d’avoir l’heure juste sur ce que l’on a accompli jusqu’à maintenant, mais aussi de faire des projections pour l’avenir. Avec cela, on vient entre autres de se donner comme objectif d’atteindre 90% d’ingrédients locaux dans nos bières, on est actuellement à 85%. »
Dernière réussite, ils ont ajusté leur protocole de brassage pour faire affaire avec un laboratoire québécois qui produit des levures. Quelques mots sur le lieu, la brasserie elle-même. Elle est située dans l’ancienne caserne de pompiers du village et elle est devenue un véritable lieu de rassemblement. Sur la terrasse on peut y prendre un verre, bien sûr, mais aussi des breuvages non alcoolisés, ce qui permet des sorties en famille. L’équipe y organise des événements festifs comme la Fête de la Bière frette ou des soirées de conteurs. Dans le village, le Saint-Fût participe également aux fêtes populaires comme le Festival de la bernache et celui de La jasette.
« Tout cela correspond à ce qu’on voulait faire ici, c’est-à-dire participer activement au développement de maillage dans le milieu agroalimentaire touristique et coopératif. On voulait également participer au rayonnement de Saint-Fulgence à l’extérieur de la région, raconte fièrement Mélissa Gauvreau »
L’attrait de touristes dans leur coin de pays y contribue grandement, tout comme leurs bières qui se retrouvent dans de plus en plus d’établissements.
Entre autres projets, l’équipe a l’intention de cartographier leur chaîne d’approvisionnement pour connaître et mettre en lumière les pratiques durables de leurs fournisseurs et de leurs clients commerciaux. Ils croient qu’inévitablement, leurs pratiques ne peuvent qu’avoir un effet d’entraînement autour d’eux. Et ils ont bien raison. Le travail du Saint-Fût, comme celui de plus en plus d’entreprises de la région, sont autant d’exemples démontrant qu’il est souvent plus simple qu’on le croit de passer de l’intention à l’action.
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Par Errol Duchaine
Photo : L’Équipe de la Brasserie le Saint-Fût
De gauche à droite: Mélissa Gauvreau, Alex Tremblay, Catherine Cantin, Charles Tremblay et Philippe Farley.