Photo de Jacques Dallaire : Maude Chauvin
Par Errol Duchaine
Ce n’est pas d’hier que l’agriculteur Jacques Dallaire d’Hébertville au Lac Saint-Jean pose des gestes en accord avec les grands principes du développement durable. Il y a plus de 40 ans, celui qui a fondé la ferme Tournevent (reconnu comme un leader en développement durable), s’interrogeait déjà sur les effets néfastes de l’usages des pesticides et pas seulement pour l’environnement. Comme se le rappelle son fils Guillaume, qui a repris la ferme il y a quelques années, « mon père disait que les premiers à subir les contrecoups des pesticides ce sont les travailleurs agricoles. Comme tous les agriculteurs, il avait découvert les avantages de ces produits dans les années 1970, mais très tôt il a voulu prendre ses distances et retrouver les racines du métier ».
« Rapidement, explique Jacques Dallaire, j’ai réduit l’usage des engrais de synthèse et des pesticides et je me suis mis à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. On n’est pas passé tout de suite au bio parce qu’il n’y avait pas de support pour la transition et pas de marché non plus, mais on l’a fait dès qu’on a pu. »
Jacques Dallaire, agriculteur
L’autre grand changement a été l’abandon de la production laitière pour une production totalement végétale, essentiellement des grains pour la consommation humaine. Aujourd’hui, on y produit du lin, du chanvre, du canola et de la cameline transformés directement à la ferme : un véritable modèle d’entreprise écoresponsable maintes fois saluée et récompensée pour cela.
Récemment, j’ai pris plaisir à écouter cet homme inspirant, Jacques Dallaire, alors qu’il témoignait de sa dernière aventure au RDV de la transition verte à Saguenay. Une aventure encore une fois en accord avec son désir de réduire l’usage des énergies fossiles et de trouver le meilleur pour la terre, ses plantes et lui-même.
Faut savoir que l’homme n’est pas encore à la retraite, loin de là. Depuis que son fils Guillaume et sa belle-fille, Audrey Bouchard, ont repris Tournevent, il a entrepris de cultiver le chanvre industriel pour l’alimentation humaine, en serre. Jusqu’à tout récemment, il chauffait sa serre au propane.
« Je me disais, raconte-t-il, ça n’a pas de bon sens d’utiliser ce combustible et de dépenser 10 000 $ par année pour ça. »
Mis à part son impact négatif sur l’environnement, il y avait beaucoup d’autres inconvénients. Le bruit que faisait ce système de chauffage à chaque fois qu’Il démarrait et la difficulté à gérer efficacement la chaleur ambiante et l’atmosphère générale de la serre.
Après consultation auprès d’experts, Jacques Dallaire fait le choix de la géothermie. La réalisation de son projet n’a pas été trop difficile raconte-t-il. Le coût de l’installation est assez élevé, mais les bénéfices sont très importants. Il a réduit de 95 % l’usage du propane. Mais surtout ce système ne fait pas que chauffer sa serre, il lui permet de la ventiler et de la climatiser. Il a gagné en bien-être pour lui-même dans cet espace de travail et ses plantes s’en portent même mieux et donnent de meilleurs résultats.
« Ce que je voulais, c’était qu’il y ait de la cohérence dans cette production. J’ai toujours été sensible au respect de l’environnement et je voulais que ce projet de serre suive ce principe et même qu’il soit structurant pour le milieu. »
Jacques Dallaire a bien raison de le rappeler, la production agricole comme bien d’autres secteurs d’activités ne se fait pas isolément. C’est inscrit dans un environnement, sur un territoire.
Par ailleurs, cette idée de recourir à l’énergie du sol, plutôt qu’à des hydrocarbures pour produire des aliments à l’année dans ces espaces protégés, peut s’avérer un allier de taille. Rappelons qu’en 2020 le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) lançait un vaste programme pour doubler en cinq ans la production en serre. Un programme avec des subventions pour de nouvelles serres et pour celles qui veulent se moderniser, entre autres, en ayant recours à de l’énergie renouvelable pour le chauffage et l’éclairage de ces espaces de production.
Ce qu’il y a derrière tout cela, c’est de produire davantage à l’année longue des fruits, des légumes et des grains pour accroître notre souveraineté alimentaire. N’oublions pas que moins d’importations, c’est aussi moins de gaz à effet de serre. Revenons à Jacques Dallaire. Cet homme s’inscrit parfaitement dans ce courant. D’ailleurs, il lui a été plutôt facile de se qualifier pour obtenir une aide financière pour son projet, confie-t-il.
« C’est le bon moment pour cela. Il existe actuellement une volonté du gouvernement de soutenir le transfert vers des pratiques écoresponsables. »
Un mot en terminant sur les grains de chanvre de Jacques Dallaire. Une partie de sa production se retrouve chez son fils et sa belle-fille qui les transforme en huile biologique. Son fils me soulignait que c’était une excellente alternative à l’huile d’olive. Vrai! Après avoir discuté avec les deux hommes, j’ai regardé dans mon garde-manger. Ma bouteille d’huile d’olive d’Espagne a parcouru 5700 kilomètres. La ferme Tournevent est à 22 kilomètres de chez moi. Qui dit mieux!