Mois après mois, année après année, on voit se multiplier les signes qui témoignent de l’attention que porte le monde des affaires à l’adoption de pratiques écoresponsables. Et c’est au Saguenay—Lac-Saint-Jean que l’on retrouve une des actions les plus ambitieuses en ce sens.
Promotion Saguenay, qui a sous sa gouverne plusieurs parcs industriels, vient d’adopter une nouvelle grille tarifaire pour la détermination des prix des terrains industriels qui intègre des considérations de durabilité. Nicolas Maltais, conseiller en développement industriel à Promotion Saguenay, explique :
il était temps de revoir notre grille tarifaire, on voyait ce qui se passe ailleurs et on s’est dit que c’était l’occasion d’y amener des aspects de développement durable. On souhaite même que ça serve d’outil d’accompagnement dans les projets des industriels quant à leurs actions en écoresponsabilité.
Nicolas Maltais a raison : ailleurs au Québec, il y a de plus en plus d’écoparcs industriels déjà existants ou sur les tables à dessin des instances municipales. Ici même dans la région, des municipalités ont annoncé des projets de ce type. Mais là où Promotion Saguenay fait preuve d’audace, c’est qu’il s’agirait, sauf erreur, de la seule organisation du genre au Québec à réduire le coût d’un terrain en fonction des actions en développement durable prises par un entrepreneur-acquéreur.
La grille tarifaire en détail
Mais que prévoit cette grille tarifaire? Quatre grands axes y sont privilégiés : la mobilité, la gestion des ressources en eau et en énergie, la lutte aux îlots de chaleur, l’architecture et l’aménagement des installations. Plus précisément, pensons entre autres, à l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques, d’un plan de gestion des matières résiduelles, de mesures d’efficacité énergétique des bâtiments, de toiture blanche, de verdissement du terrain ou d’usage de matériaux écoresponsables. La liste est longue, précise Nicolas Maltais :
mais, on est dans un écosystème de PME et on sait qu’ils ne peuvent tout englober en même temps. Tout ce qu’il faut c’est de l’ouverture, que l’entrepreneur réfléchisse à la manière d’intégrer certaines de ces actions selon ses valeurs et son projet. On voit, poursuit-il, qu’il y a une nouvelle génération d’entrepreneurs qui sont très à l’écoute de ce qui se passe.
Ce qui se passe, ce sont des messages des grands donneurs d’ordre quant à leur désir de voir leurs sous-traitants et leurs fournisseurs suivre cette mouvance.
C’est tout cela qui a guidé Promotion Saguenay et le Centre québécois de développement durable (CQDD), leur grand complice, dans l’élaboration de cette grille tarifaire. Léonie Savard, conseillère ESG et développement durable dans cette opération :
Ce qu’on a fait de notre côté en se basant, entre autres, sur la norme mondiale en bâtiment durable LEED, c’est de pousser plus loin l’idée de la performance économique liée à des notions de réduction de l’impact environnemental, de la consommation des ressources et d’autres préoccupations liées à la durabilité. Ce que l’on voulait c’était s’inspirer des plus hauts standards et de les rendre digestes et accessibles pour les entreprises qui veulent mieux faire les choses et rendre leurs projets plus écoresponsables.
On reconnaît bien là la signature CQDD : proposer des pratiques innovantes et pragmatiques aux acteurs économiques pour stimuler l’adoption de pratiques d’affaires écoresponsables.
Un espace biophilique!
Le maître mot, de plus en plus répandu, pour définir les écoparcs industriels et les critères qui y sont privilégiés, c’est « la biophilie ». Nicolas Maltais nous éclaire :
ce qui est biophilique, c’est ce qu’il y a entre l’humain et la nature. Par exemple, intégrer des aspects naturels dans un lieu de travail comme des plantes, de la pierre et du bois. Dans un parc industriel biophilique, on prend en considération la ligne bleue, c’est-à-dire les aspects en lien avec l’eau, et la ligne verte, donc les aspects en lien avec la nature et cela dans une préoccupation de durabilité. De plus, on a une vision à long terme du développement de ce parc, c’est-à-dire l’emplacement des entreprises, la protection des espaces verts et l’aménagement des espaces pour les employés, entre autres préoccupations.
On comprend qu’on est réellement dans de nouveaux modèles de durabilité. Les valeurs et les principes qui guident aujourd’hui ces parcs industriels ne sont plus les mêmes qu’hier. On peut résumer cela en une idée toute simple, concevoir ces espaces comme des milieux de vie. Geneviève Poulin est directrice générale de PALME Québec, un OBNL qui travaille en développement durable des territoires. Voici ce qu’elle nous dit à ce sujet :
En fait, ironiquement, on revient un peu à la base en souhaitant rapprocher les zones d’activités économiques près des quartiers résidentiels pour favoriser un dynamisme dans l’occupation du territoire tout en respectant « le vivant ». Ce concept (d’écoparc) favorise la création d’un milieu de vie avec une personnalité collée à l’ADN du territoire. L’humain a des besoins fondamentaux de socialisation, de sentiment d’appartenance, de sécurité et de bien-être. Les parcs éco-industriels sont réfléchis pour répondre à ces besoins.
Si on ne peut parler d’une tendance lourde des écoparcs industriels, on peut à tout le moins parler d’un intérêt grandissant à tel point que PALME Québec a organisé un colloque sur le sujet au début mai de 2024. Un colloque qui a connu du succès et qui s’imposait selon la directrice de PALME Québec dont la mission est de découvrir et de faire partager les meilleures pratiques en la matière. Nicolas Maltais de Promotion Saguenay était à ce colloque et a pu constater l’importance de ce virage :
Entre organisations de développement économique, on discute ensemble et ce qui est inspirant, c’est que pour faire cela, on doit sortir de la boîte, faire les choses autrement. Et on doit embarquer la Ville avec nous parce que c’est un vrai travail de collaboration. Si on veut des fossés végétalisés, des pistes cyclables à même la rue, si on veut densifier nos parcs, ça se peut que l’on doive revoir certains règlements municipaux.
Ce que l’on constate à ce jour c’est que tout ce travail contribue à augmenter l’attractivité de ces espaces et à la rétention des employés. Mieux encore, chez PALME Québec on voit que la valeur marchande au pied carré de ces espaces industriels est supérieure à celle des parcs industriels conventionnels. Léonie Savard de conclure :
il y a beaucoup de gains, on pourra y voir l’émergence de nouvelles industries, l’évolution de modèles d’affaires plus écoresponsables, un plus grand partage des ressources et autres pratiques d’économie circulaire et l’amélioration de la qualité de vie des voisins et des travailleurs.
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Par Errol Duchaine