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Les engagements des gouvernements, d’organismes publics et de grandes entreprises privées en matière de développement durable se multiplient ici comme à l’étranger. Depuis longtemps Hydro-Québec s’est engagée dans cette voie. Plus récemment, ce grand donneur d’ordre a invité ses fournisseurs à accélérer le pas dans l’adoption de pratiques d’affaires écoresponsables. Ces nouvelles exigences envers ses partenaires d’affaires s’inscrivent dans le « Plan d’action 2035 – Vers un Québec décarboné et prospère » d’Hydro-Québec. Pour bien comprendre l’entièreté de cette démarche, nous vous présentons l’intégrale d’une entrevue réalisée avec madame Aurélie Maury, conseillère pratiques d’affaires – approvisionnement responsable, direction principale approvisionnement stratégique, Hydro-Québec.

Q : Déjà en 2022, Hydro-Québec questionnait ses fournisseurs sur leurs pratiques en développement durable (DD), quel signal voulez-vous aujourd’hui envoyer aux entreprises ?

Depuis 2022, nous avons observé des progrès chez certains de nos fournisseurs, tandis que pour d’autres, l’intégration des critères DD reste un défi majeur. La volonté du marché est présente, avec de plus en plus d’entreprises cherchant à intégrer le DD dans leur culture et leurs pratiques. Cependant, nos questionnaires DD révèlent encore des scores avec une grande marge de progression. Notre objectif est de faire évoluer le marché avec nous et d’autres grands donneurs d’ouvrage du Québec et de l’industrie électrique au Canada. Bien que des progrès aient été réalisés depuis 2022, nous sommes encore loin de la performance attendue et souhaitons travailler avec nos fournisseurs pour améliorer leurs résultats. Depuis 2022, nous utilisons ce questionnaire à titre informatif ou de valorisation, sans note de passage minimale. Nous croyons davantage en une stratégie de motivation plutôt que de punition dans le cas du développement durable.

L’une des évolutions notables de ces dernières années est l’intégration de clauses contractuelles incluant des exigences en matière de développement durable, en complément du questionnaire. Lorsque le marché est suffisamment mature, nous pouvons également intégrer des exigences techniques plus respectueuses de l’environnement. Par exemple, nous demandons à certains de nos fournisseurs de divulguer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et de présenter des plans de réduction de celles-ci. De plus, nous pouvons exiger dans certains cas l’utilisation de matériaux contenant un pourcentage plus élevé de contenu recyclé ou des emballages écoresponsables pour certains produits.

Q : Qu’est-ce qui motive Hydro-Québec à resserrer ses pratiques d’approvisionnement responsable ? 

De nouvelles réglementations apparues ces dernières années rendent la démarche désormais nécessaire et indispensable. La cible en approvisionnement responsable incluse dans la Stratégie gouvernementale en développement durable montre bien que les pratiques évoluent depuis 2022. Ce qui était auparavant une option souhaitable est maintenant une obligation légale pour 110 organismes et ministères assujettis, dont nous faisons partie. Nous devons considérer l’inclusion du développement durable dans chaque stratégie d’appel au marché et nous assurer qu’un contrat sur deux soit considéré comme responsable d’ici 2027. Nous ne souhaitons pas nous limiter aux minimums requis dans ce que nous considérons être une acquisition responsable. Nous tenons à ce que les critères intégrés aient le plus d’impact possible.

En autre exemple, la loi S-211 sur le travail forcé vient encore davantage légitimer toutes les initiatives prises par Hydro-Québec pour un meilleur respect des droits de la personne le long de sa chaîne d’approvisionnement.

Enfin, notre plan d’action 2035, intitulé « Vers un Québec décarboné et prospère », montre bien que les principes environnementaux et sociaux sont des incontournables pour Hydro-Québec. Nous pouvons jouer un rôle essentiel dans la décarbonation de l’économie québécoise à travers notre chaîne d’approvisionnement, avec près de 90 % de nos fournisseurs qui sont établis au Québec. Travailler à améliorer leurs pratiques en matière de développement durable s’inscrit directement dans l’objectif de travailler à la décarbonation de l’économie québécoise.

Q : En ce qui concerne le développement durable en entreprise, il est maintenant établi qu’on parle à la fois de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).  Comment chacun de ces critères est-il pris en compte dans les demandes d’Hydro-Québec en matière d’approvisionnement responsable ?

Dans notre questionnaire de développement durable, les trois thématiques ont chacune leur propre section d’évaluation :

• La section Environnement comprend 6 questions sur :  la part d’énergie renouvelable utilisée dans les installations, la part des déplacements du personnel ou des livraisons effectués via véhicules électriques, hybrides ou rechargeables, les initiatives et engagements pour réduire l’empreinte carbone, et les mesures de réduction d’impact environnemental / utilisation de matières premières.

• La section Social comprend 5 questions sur : la vocation sociale de l’entreprise, son engagement envers la collectivité, l’application de principes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI), la détention partielle ou totale de l’entreprise par des Autochtones, et l’inclusion d’Autochtones dans la main-d’œuvre.

• La section Gouvernance comprend 5 questions sur : la détention d’une certification ESG, des engagements officiels en matière de protection de l’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance, la maîtrise des risques ESG associés à la chaîne d’approvisionnement, la formation du personnel en ESG, et la gestion interne de ces principes.

Q : Jusqu’à quel point les pratiques d’affaires écoresponsables d’une entreprise peuvent-elles interférer dans l’analyse d’une soumission et dans la décision finale ?

Nous avons mis en place plusieurs stratégies pour encourager et valoriser nos fournisseurs dans leurs bonnes pratiques de développement durable. Par exemple, nous pouvons valoriser le score obtenu au questionnaire de développement durable à travers une marge préférentielle. Dans certains cas spécifiques, comme pour les entreprises d’économie sociale, nous pouvons leur garantir un lot lorsque le bassin disponible est suffisamment important tout en respectant nos encadrements et accords commerciaux auxquels nous sommes soumis. Nous ajoutons également des clauses environnementales qui, dans certains cas précis, peuvent exclure des fournisseurs dont l’offre ne répond pas aux critères requis. La stratégie d’approvisionnement responsable dépendra des opportunités du marché, de sa maturité et des principes de notre cadre réglementaire. Nous formons tous les conseillers en approvisionnement d’Hydro-Québec à intégrer une stratégie de développement durable dans leurs appels d’offres et les accompagnons dans la mise en œuvre.

Q : Jusqu’où vont vos exigences envers une entreprise :  est-ce que l’on parle simplement d’un engagement, de pratiques écoresponsables déjà en place ou d’une performance mesurable en matière ESG et de durabilité ? 

Dans le cas de notre questionnaire de développement durable, plus l’entreprise ira loin dans ses démarches, plus son score sera élevé. Par exemple, dans le cas de la question sur la réduction des émissions de GES, des points sont attribués si l’entreprise calcule ses émissions de GES, mais elle pourra en avoir davantage si elle s’est fixée des objectifs de réduction.

Dans la première phase de déploiement du questionnaire de développement durable, nous cherchons principalement à inciter les entreprises québécoises à se mettre en mouvement, pour rattraper un certain retard que l’on peut constater par rapport aux pratiques des entreprises européennes.

Q : On imagine facilement que tous ces critères d’évaluation n’ont pas tous la même valeur. Quels sont les critères de durabilité prioritaires, voire incontournables pour entreprendre ou maintenir des relations d’affaires avec la société d’État ? 

Le pointage est indiqué sur chaque question du questionnaire, il est réparti équitablement, mais peut varier selon l’impact et la complexité de la mise en œuvre. Nous nous inspirons des meilleures pratiques et des nouvelles réglementations pour définir nos priorités de chaque année. En 2024-2025, le respect des droits de la personne, la réduction des émissions de GES et l’intégration de l’économie circulaire chez nos fournisseurs font partie de nos chantiers de travail prioritaires.

Q : Comment une entreprise peut-elle se préparer et évaluer sa propre performance en développement durable en regard de vos nouvelles exigences ? 

Notre questionnaire de développement durable est accessible au public sur notre site fournisseur :  https://www.hydroquebec.com/fournisseurs/soumissionner/conformite-exigences/criteres-selection-sst-dd/.

Le consulter et s’autoévaluer, si l’entreprise n’y a pas encore été soumise, est un excellent moyen de se préparer à nos exigences. Ce questionnaire regroupe nos priorités et attentes en matière de développement durable chez nos fournisseurs, ainsi que le type de preuves et documentations requis pour y répondre.

Nous sommes également ravis d’annoncer la publication prochaine d’un guide d’accompagnement fournisseurs, destiné à améliorer la performance sur notre questionnaire de développement durable. Ce guide sera disponible au courant de l’année sur le site fournisseur d’Hydro-Québec.

De plus, une formation sera mise à disposition de vos conseillers du CQDD, afin de les aider à mieux comprendre nos attentes et à accompagner vos entreprises partenaires dans leurs démarches ESG.

Q : Une entreprise peut-elle profiter d’un accompagnement de la part d’Hydro-Québec dans une démarche de développement de pratiques écoresponsables ?

En tant qu’entreprise d’État, nous ne pouvons pas accompagner directement des entreprises dans leurs démarches afin de maintenir notre équité envers tous nos fournisseurs. Cependant, nous soutenons des organisations qui offrent ce type d’accompagnement. Par exemple, nous soutenons l’OBNL Décarbone+, qui accompagne les PME dans leur décarbonation. Nous soutenons également la cohorte d’accompagnement en ESG des PME de l’industrie électrique, organisée par l’AIEQ et accompagnée par COESIO. De plus, nous avons soutenu la cohorte d’accompagnement organisée par le CQDD avec la SPN. Nous souhaitons continuer à soutenir ce type de programmes qui aident les entreprises à améliorer leurs pratiques en matière de développement durable.

Q : Quels conseils souhaitez-vous formuler pour les entreprises qui aimeraient faire affaire avec Hydro-Québec en considérant vos critères ESG ? 

Nous conseillons aux entreprises d’évaluer leur maturité grâce à notre questionnaire et d’identifier les actions les plus efficaces à entreprendre pour améliorer leur performance ESG. Il est important de ne pas chercher à tout faire d’un coup, mais de viser des petites victoires. Le soutien hiérarchique est crucial. Chez Hydro-Québec, le développement durable fait partie de nos valeurs fondamentales et nous bénéficions du soutien de la direction, indispensable à la mise en place de nos différentes initiatives. Il est également essentiel de s’entourer d’alliés de l’industrie, car plus nous serons nombreux dans ce mouvement, plus grand sera l’impact.

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Par Errol Duchaine, conseiller en communication au CQDD