Les provinces atlantiques avec l’appui du Québec ont entrepris un ambitieux chantier pour sensibiliser, former et accompagner les entreprises acadiennes et francophones à l’adoption de pratiques d’affaires durables. Ambitieux parce qu’au terme du projet (mars 2026), on souhaite avoir créé un véritable réseau d’intervenants et d’entreprises engagés dans cette voie. C’est un virage devenu inévitable et avantageux pour le monde des affaires et pour une économie responsable et durable en Atlantique.

Ce grand chantier, baptisé IMPACT, est mené par les quatre RDÉE (Réseau de développement économique et d’employabilité) de l’Atlantique, le Centre québécois de développement durable (CQDD) et le RDÉE Canada. Jonathan Duffaud, coordonnateur atlantique en développement durable au RDÉE Nouveau-Brunswick (NB), nous explique :

« les provinces atlantiques accusaient un certain retard en matière de développement durable (DD) en entreprise, comparativement à ce qui existe au Québec. Notre objectif était donc de sensibiliser, mais aussi de former et d’accompagner les entreprises à améliorer l’impact social et environnemental de leurs pratiques d’affaires ».

Autrement dit, un travail d’intervention sur le terrain pour arriver à des résultats concrets.

Où en sont les entreprises francophones ?

Dès le démarrage, l’équipe s’est dit qu’il fallait en savoir davantage sur la connaissance et les relations que le monde des affaires de ce coin du pays entretenait avec le DD.

« On a fait un sondage, explique Jonathan Duffaud, auprès d’un échantillon représentatif des entreprises francophones des provinces atlantiques. Ce sondage nous a rassurés, on a appris que plusieurs entreprises faisaient déjà des actions écoresponsables, parfois sans le savoir, et souvent de façon ponctuelle et peu structurée ».

Toutefois, il y a beaucoup de chemin à parcourir. Moins de 3 % des entreprises se sont doté d’une politique de développement durable et seulement près de 5 % possèdent un plan d’action. Il faut dire qu’il y a des freins au passage à l’action. Parmi les raisons invoquées, on retrouve le manque d’information (21 %), le manque de ressources internes compétentes (15,6 %), le manque de temps (14,6 %) et le manque d’information (14,6 %). Parmi les entreprises ayant amorcé une démarche interne de développement durable, elles perçoivent rapidement certains bénéfices à emboîter le pas, notamment l’acquisition d’une image de marque plus positive (17,5 %), une acceptabilité sociale renforcée (11,7 %) et une amélioration des relations avec les partenaires (11,7 %).

Parmi les entreprises mettant de l’avant des pratiques d’affaires écoresponsables, des bénéfices ont également été identifiés, notamment au niveau social, soit de favoriser le bien-être et le développement des employés (21,4 %), de favoriser leur santé physique et mentale (17,9 %), et d’offrir des conditions de travail avantageuses (16,4 %). Du côté environnemental, on dénote une amélioration de la gestion des matières résiduelles (20,5 %) et de la gestion de l’énergie (16,5 %), ainsi qu’une diminution de l’impact environnemental des produits et services (15 %). Les entreprises ont également identifié que de telles pratiques leur permettaient de contribuer au développement et à la qualité de vie de la communauté (62,7 %), d’intégrer le développement durable dans leur stratégie d’entreprise (35,4 %) et de consulter leurs parties prenantes (27,7 %).

Au printemps 2023, on a commencé à animer des ateliers de sensibilisation auprès d’entreprises et d’organismes.

« Chaque province a choisi sa propre façon de faire. Nous, au Nouveau-Brunswick, explique Jonathan Duffaud, on s’est rapprochés des chambres de commerce francophones… les ateliers participatifs ont permis de mieux informer les entreprises et les partenaires de l’écosystème économique de ce qu’est une démarche de DD en entreprise. On a aussi mis sur pied une table provinciale en DD d’acteurs socio-économiques qui ont relayé notre information à leurs membres. »

Une réussite qui dépasse les attentes

L’objectif était d’informer, et mieux encore de rejoindre au moins 100 gestionnaires en personne dans ces ateliers ou dans des événements publics à caractère économique dès la première année. Ce n’est pas 100 entreprises qui ont été rejointes, mais 374 ! Et la récolte de la 2e année s’annonce encore meilleure.

Pour ce qui est de la poursuite de l’opération, c’est-à-dire la formation, encore là les résultats sont plus que satisfaisants. Mentionnons que ces formations se donnent gratuitement et selon un calendrier personnalisé par province. Ces formations consistent en l’auto-évaluation des performances économiques, sociales, environnementales et de bonne gouvernance de l’entreprise, la consultation des parties prenantes pour prioriser les enjeux, le plan d’action de développement durable, et finalement l’élaboration d’une politique en DD et sa communication.

« Puis, explique Jonathan Duffaud, les entreprises qui le souhaitent peuvent avoir de l’accompagnement pour la mise en œuvre de leur plan d’action de DD. À ce jour, 100 % des entreprises qui ont suivi la formation ont demandé de l’accompagnement, en moyenne 20 à 25 h par entreprise. On ne pouvait espérer mieux. »

C’est donc dire que moins de deux ans après la mise en place de ce grand projet, plusieurs dizaines d’entreprises sont engagées dans de véritables changements de pratiques, des pratiques plus durables. Une grande variété de secteurs d’activités sont représentés : manufactures, fermes, transformateurs alimentaires, hôtels, restaurants, chocolaterie, entreprises de service, etc.

« Dans cela, poursuit fièrement Jonathan Duffaud, il y a de très petites entreprises, mais il y en a aussi de plus grandes comme le Groupe Savoie. C’est une importante entreprise de transformation du bois qui compte quelque 500 employés. Ils posaient déjà des gestes en gestion durable de la forêt, mais là ils ont mis sur pied un comité en DD qui réfléchit entre autres à améliorer la gestion de l’eau et à l’approvisionnement responsable. »

À l’Île-du-Prince-Édouard, une petite cidrerie a développé un procédé pour réutiliser les résidus de pommes après le pressage et en faire une autre boisson. Et ce qui reste de tout cela est à son tour transformé en farine de pomme. Moins de matière pour le compostage. La participation du propriétaire de cette cidrerie, Sébastien Manago, au projet IMPACT, a été soulignée lors d’une soirée permettant de récompenser et de mettre en lumière les entreprises engagées en DD à l’Île-du-Prince-Édouard. Au Nouveau-Brunswick, le premier prix Impact en DD a été décerné à la Distillerie Fils du Roy de Paquetville. Cette entreprise, fortement engagée en DD, s’était déjà lancée dans la production d’orge, ce qui évite de l’importer parfois de très loin. Elle a créé une malterie et approvisionne d’autres distilleries de la région Atlantique. Mieux encore, elle envisage à présent de créer de nouveaux produits avec les drêches (résidus) de bière. L’un des propriétaires de la distillerie, Sébastien Roy, nous confie que leur participation au projet Impact :

« a permis de réévaluer nos pratiques et de mettre en place des stratégies durables qui non seulement réduisent notre empreinte écologique, mais améliorent également notre efficacité opérationnelle. »

Parmi tous les efforts déployés, mentionnons également la récupération de près de 12 000 bouteilles de verre et la valorisation des déchets de brassage pour, entre autres, la production de pizza.

Au-delà des opportunités d’affaires, des valeurs

On observe au Canada de plus en plus d’attentes envers des produits et pratiques d’affaires écoresponsables. Les consommateurs, les grands acheteurs, les investisseurs et même la main-d’œuvre nous envoient des signaux forts en ce sens ce qui implique de revoir nos pratiques d’affaires dans un contexte de changements climatiques et de perte de biodiversité.

Mais, ce qui est intéressant et que le sondage nous a permis de constater, c’est que ce qui motive les organisations en Atlantique de débuter une démarche, ce sont avant tout les valeurs et les convictions de la haute direction (32 %) et celles des employés (20 %). Ainsi, est-ce à dire que la vertu, plus que les opportunités d’affaires, motive les entreprises acadiennes et francophones de l’Atlantique à passer à l’action ? Quoi qu’il en soit, la durabilité est maintenant un impératif d’affaires ! Et les conseiller du projet IMPACT sont des ressources stratégiques à contacter pour obtenir du soutien, car précisons que plus de 80 % des entreprises ayant répondu au sondage souhaitent recevoir de l’aide pour intégrer le développement durable dans leurs pratiques de gestion, ce qui témoigne de leur besoin d’accompagnement, de financement et de formation, ainsi que de la pertinence du projet Impact.

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Par Errol Duchaine, conseiller en communication au CQDD